Gérer une crise
«Traitez-vous avec tendresse et compassion»

Les signes avant-coureurs d’une crise varient d’un individu à l’autre. Tout comme la manière dont on tente de sortir de ce qui peut ressembler à une voie sans issue, surtout chez les jeunes. Birgit Schmid, responsable secteur professionnel Psychologie chez SWICA, répond aux principales questions sur ce thème.

Madame Schmid, comment reconnaître que tout ne va pas bien sur le plan psychologique?

Il n’est pas facile de répondre à cette question, car cela varie d’un individu à l’autre. Une crise peut se manifester par des symptômes psychiques, des problèmes physiques ou encore des difficultés en lien avec les relations sociales. Des sentiments de peur, de panique ou d’impuissance font partie des symptômes ou troubles psychologiques qui peuvent apparaître lors d’une crise, mais pas chez tout le monde.

Une tension interne nous empêche de vraiment nous détendre. Souvent, nous sentons aussi que nos nerfs sont à fleur de peau. Il suffit de peu pour que notre état empire (à nouveau). La manière de penser est elle aussi affectée: nous percevons notre environnement sans aucune nuance, tout comme les situations et les personnes qui nous entourent. Il nous est donc presque impossible de juger ce qui est juste ou faux, ce qui est positif ou négatif. Nous nous retrouvons comme emprisonnés par nos pensées. Sans parler des problèmes de concentration, qui peuvent mener à des difficultés d’apprentissage et à une baisse de la performance.

Lorsqu'il traverse une crise, l’être humain fait souvent preuve de désorganisation et d’instabilité. Les personnes dans une telle situation semblent alors versatiles, brusques, voire agressives. Elles ont tendance à agir d’une manière qui semble absurde à celles et ceux qui les entourent. Par exemple, à l’annonce d’une terrible nouvelle comme le décès d’un proche, elles commencent par faire le ménage. Dans les cas extrêmes, des pensées suicidaires peuvent apparaître, ou des actes de violence contre des objets ou d’autres personnes sont commis.

Comment ce comportement se répercute-t-il sur notre environnement?

Nos relations sociales souffrent elles aussi des conséquences psychologiques d’une crise. Les personnes touchées s’isolent et évitent les contacts avec leur famille et leurs amies et amis. Souvent, elles n’ont plus envie de pratiquer les activités qu’elles aimaient avant de subir une crise. Elles font face à l’incompréhension de leur entourage et, à leur tour, ne le comprennent plus. Cela favorise aussi le repli social.

Une crise psychique a-t-elle aussi des répercussions physiques?

Absolument. Les personnes en situation de crise ressentent une fatigue importante ou une forme de léthargie. Souvent, elles souffrent d’insomnies. Mais le système digestif se manifeste lui aussi, par exemple par le biais de douleurs d’estomac ou de problèmes intestinaux. Les maux de tête ou les vertiges sont eux aussi fréquents. Le cœur bat trop vite, des tremblements ou une détresse respiratoire apparaissent. L’appareil locomoteur peut lui aussi poser problème. L’appétit vient à manquer, ce qui entraîne souvent une perte de poids. Ou l’effet contraire se produit: il augmente et, avec lui, les kilos aussi.

Lors d’une crise, les jeunes doivent parfois gérer des réactions émotionnelles très fortes. Birgit Schmid, Responsable Domaine Spécilisé Psychologie chez SWICA

Comment gérer les crises?

Au fil du temps, nous rencontrons tous des situations difficiles et gagnons ainsi en expérience. Celle-ci nous permet alors de gérer les crises que nous traversons. Mais attention, la capacité à gérer une crise ou l’intensité avec laquelle nous la vivons dépend de la rapidité avec laquelle nous obtenons de l’aide. Ce n’est pas juste l’aide extérieure qui compte, mais aussi la rapidité avec laquelle nous nous aidons nous-mêmes.

Comment faire?

Il s’agit d’avoir conscience de ce que l’on a vécu ou de ce que l’on vit. De considérer la situation d’un point de vue rationnel, mais aussi émotionnel. Cela permet d’associer la situation ressentie aux sentiments qui y sont liés et contribue à gérer la crise.

Dès que possible, il faut quitter la situation de crise. Il est important de se rendre dans un endroit où l’on se sent bien et protégé. Ne cherchez pas à jouer à l’héroïne ou au héros; traitez-vous avec tendresse et compassion.

Prenez aussi contact avec une personne de confiance. Certes, cela n’est pas toujours facile, car lors d’une crise, nous avons tendance à nous replier sur nous-mêmes. Mais pour venir à bout d’une situation problématique, des contacts humains positifs sont essentiels; la personne en question s’occupera de vous et vous apportera son soutien.

Si vous constatez que vous ne vous en sortez pas par vous-même, cherchez de l’aide professionnelle. Plus vite vous l’obtiendrez, plus vite vous irez mieux. Il ne doit pas forcément s’agir d’une psychothérapie. Ce soutien doit toutefois s’axer sur la situation vécue et être de durée limitée. Il exigera aussi la participation active de la personne concernée.

Et comment soutenir les jeunes qui traversent une crise?

Généralement, les jeunes ne disposent pas de la même expérience de vie que les adultes. Lors de la puberté, en particulier, leur cerveau est encore en phase de maturation, raison pour laquelle leur comportement dépend en grande partie du système limbique (le siège du «moi émotionnel»). Lors d’une crise, les jeunes doivent parfois gérer des réactions émotionnelles très fortes. Une aide professionnelle s’avère plus souvent nécessaire que chez les adultes.

Dans un tel cas de figure, ce sont surtout les parents et les autres personnes de référence qui doivent leur servir de soutien et de «boussole». Or, cela n’est pas toujours facile, car en grandissant, les jeunes cherchent à prendre des distances par rapport à leurs parents. Il est donc essentiel que les parents fassent preuve de compréhension envers leur enfant. Les reproches, les accusations et les leçons de morale sont à éviter. Mais cela ne sert à rien de forcer son enfant à parler. Mieux vaut attendre que l’occasion se présente.

Lors de cette discussion, donnez un sentiment de confiance et d’espoir à la ou au jeune, faites-lui comprendre que la situation peut s’améliorer. Le mieux consiste à lui apporter un soutien en modifiant aussi peu que possible son quotidien. Par exemple, elle ou il devrait, dans la mesure du possible, continuer d’aller à l’école ou poursuivre sa formation et ne pas abandonner ses hobbies. Les deux parents doivent alors tirer à la même corde.

Mais, comme les adultes, il peut arriver que les jeunes aient besoin d’une aide professionnelle. En lieu et place d’une psychothérapie, un suivi par une organisation ou une institution peut s’avérer précieux.

16.01.2023

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