Mourir jeune, mais le plus tard possible

Peter Reber, 76 ans, musicien, nous livre sa recette pour bien vieillir. Au cours d’un entretien croisé avec sa fille Nina, 33 ans et chanteuse connue, il évoque son attachement à la famille et l’art de ne pas vieillir avec l’âge. Un échange intergénérationnel sur la santé, la longévité et les petites choses qui font que la vie vaut la peine d’être vécue.

Peter Reber, à 76 ans, vous avez encore effectué une tournée pas plus tard que l’automne dernier. Quel est votre secret pour vieillir en bonne santé?
Peter Reber (PR): Il est important pour moi d’écouter mon corps. Voici ma définition de la longévité: mourir jeune, mais le plus tard possible. L’alimentation joue un rôle central dans ma vie. Je mange moins et différemment, par exemple en ne déjeunant pas le matin. Mon corps fait ainsi une pause du repas du soir à celui de midi, et il s’en porte mieux. Par ailleurs, je bouge beaucoup: quarante minu-tes par jour sur mon stepper, qui se trouve à côté de mon bureau. Pour me motiver, j’ai installé un téléviseur devant l’appareil. Je regarde des séries pendant que je marche. Et puis, bien sûr, il y a la musique: chanter, jouer du piano, monter sur scène sont autant d’activités qui entretiennent ma forme physique et mentale. J’ai fait mien le principe de Pestalozzi: vivre avec la tête, le coeur et la main.

Nina Reber, votre père est-il un modèle à suivre pour bien vieillir?
Nina Reber (NR): Absolument. Je suis parvenue à un âge où l’on commence à se poser des questions sur son propre vieillissement. Mon père a 76 ans et peut encore se produire pendant deux heures sur scène et chanter par coeur une trentaine de chansons. C’est impressionnant.

Nous avons déjà parlé d’activité physique et d’alimentation. Quels sont les autres ingrédients de votre recette?
PR: Des examens préventifs à intervalles réguliers. Avec l’âge, il faut prévenir plutôt que guérir. N’oublions pas la vie sociale: la joie de vivre est un véritable élixir de jouvence. J’ai une famille merveilleuse, une femme, des enfants, des petits-enfants. Il faut savoir rester au taquet pour suivre le rythme. La curiosité joue aussi un rôle important. Si on perd sa curiosité, on vieillit. Comme je possède un studio et une maison d’édition musicale, je dois rester à la pointe de la technologie et du numérique. Cela aide à rester dans le coup et à ne pas se sentir dépassé.

Vous avez un long parcours de musicien derrière vous. Comment concilier carrière et santé?
PR: Je ne mène pas une vie moins saine qu’une personne qui exerce un métier normal, au contraire: je tiens à mes heures de sommeil et, musicien, je dors même un peu plus longtemps que les autres. Il y a une blague célèbre à ce sujet: qu’est-ce qui pousse un musicien à se lever à dix-huit heures? La fermeture des magasins à dix-huit heures trente. (rires)

Peter Reber, vous et votre femme vivez avec Nina dans une maison intergénérationnelle. Comment se passe la cohabitation?
PR: C’est génial! Nous nous apportons beaucoup les uns les autres. Nous discutons souvent, notamment de politique, et bien sûr les avis divergent. C’est très enrichissant. Nous devons maintenir le dialogue intergénérationnel. Et je peux le dire, n’est-ce pas? Parfois, tu viens faire tes courses dans notre réfrigérateur. (clin d’oeil)
NR: Quand les magasins sont fermés.
PR: Nous sommes très heureux quand elle nous rend visite. Nina exerce une profession exigeante: éducatrice spécialisée, elle s’oc-cupe d’enfants en difficulté. Parfois, elle nous raconte ses journées. Nous réalisons alors que tout n’est pas rose dans la vie.

La votation sur la treizième rente AVS a mis en lumière les germes d’un conflit intergénérationnel. Comment y remédier?
NR: Il est essentiel de rechercher le dialogue entre les générations. De faire preuve d’ouverture d’esprit. D’aborder autrui et de poser des questions sans crainte. Dans les transports publics, dans une association, au bureau ou encore dans un cercle de personnes.
PR: Je trouve que les jeunes devraient se rendre plus systématiquement aux urnes. Les personnes âgées décident souvent d’objets qui concernent la jeunesse. Les seniors devraient veiller à ne pas grever l’avenir des jeunes générations, notamment en matière de climat. J’ai deux petites-filles adorables. Je me préoccupe donc du monde que nous allons leur léguer.

Pour quelle raison vous intéressez-vous à la longévité?
PR: C’est devenu une tendance, même si ce sujet a toujours été d’actualité. Toute personne qui jouit un tant soit peu de la vie se demande comment prolonger le plus possible cette existence heureuse. Cela fait partie de la vie et du sens de la vie.

Peter Reber, avez-vous encore des objectifs pour les années à venir?
PR: Je veux, chaque jour, me lever et enlacer ma femme.

Nina Reber, quels défis associez-vous à l’âge?
NR: Je remarque que mes parents vieillissent. Cela fait réfléchir.

Peter Reber, vous avez expliqué comment vous souhaitez rester en bonne santé. Quels problèmes concrets allez-vous devoir affronter?
PR: La mobilité en fait certainement partie. Nous vivons dans une maison avec des escaliers, et tôt ou tard, cela pourrait devenir compliqué. Mais il y a toujours des solutions, comme les monte-escaliers. J’ai presque dix ans de plus que ma femme, et cette différence me préoccupe davantage. Du point de vue statistique, elle devrait vivre douze à treize ans plus longtemps que moi. C’est un sujet qui la travaille, et donc moi aussi par ricochet. La perspective de perdre son compagnon ou sa compagne n’est pas évidente.

Nina Reber, quel âge aimeriez-vous atteindre?
NR: Je ne saurais avancer de chiffre. Si, à la fin de ma vie, j’ai accompli tout ce que je souhaite, je m’estimerai heureuse. D’une manière générale, j’espère garder la forme. En particulier, je me suis fixé comme objectif de pouvoir encore monter les escaliers en courant à soixante ans. Je ne veux pas perdre l’envie de rester mobile.

Peter Reber, qu’attendez-vous encore de la vie?
PR: Je n’attends plus rien pour moi. Mais la vie m’a offert un magnifique cadeau: une femme et une famille. C’est ce qui compte le plus à mes yeux. Cela vient bien avant tout le reste.

17.06.2025 / Magazine clientèle 2-2025